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LE MARQUIS DE FUMEROL

jetai dehors si brusquement qu’ils s’embrassèrent avec violence deux fois de suite, au passage des deux portes qui conduisaient à l’escalier.

Puis je disparus à mon tour et je rentrai dans la cuisine, notre quartier général, afin de prendre conseil de ma mère et de l’abbé.

Mais Mélanie, effarée, rentra en gémissant :

« Il meurt… il meurt… venez vite… il meurt… »

Ma mère s’élança. Mon oncle était tombé par terre, tout au long sur le parquet, et il ne remuait plus. Je crois bien qu’il était déjà mort.

Maman fut superbe à cet instant-là ! Elle marcha droit sur les deux filles agenouillées auprès du corps et qui cherchaient à le soulever. Et leur montrant la porte avec une autorité, une dignité, une majesté irrésistibles, elle prononça :

― C’est à vous de sortir, maintenant.

Et elles sortirent, sans protester, sans dire un mot. Il faut ajouter que je me disposais à les expulser avec la même vivacité que le pasteur et le concierge.

Alors l’abbé Poivron administra mon oncle avec toutes les prières d’usage et lui remit ses péchés.

Maman sanglotait, prosternée près de son frère.

Tout à coup elle s’écria :

— Il m’a reconnue. Il m’a serré la main. Je suis sûr qu’il m’a reconnue !!!… et qu’il m’a remerciée ! oh, mon Dieu ! quelle joie !