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l’auberge

de l’œil les gouffres, et parfois appelant, jetant un cri prolongé, mort bien vite dans l’immensité muette. Alors, il collait à terre l’oreille, pour écouter ; il croyait distinguer une voix, se mettait à courir, appelait de nouveau, n’entendait plus rien et s’asseyait, épuisé, désespéré. Vers midi, il déjeuna et fit manger Sam, aussi las que lui-même.

Puis il recommença ses recherches.

Quand le soir vint, il marchait encore, ayant parcouru cinquante kilomètres de montagne. Comme il se trouvait trop loin de sa maison pour y rentrer, et trop fatigué pour se traîner plus longtemps, il creusa un trou dans la neige et s’y blottit avec son chien, sous une couverture qu’il avait apportée. Et ils se couchèrent l’un contre l’autre, l’homme et la bête, chauffant leurs corps l’un à l’autre et gelés jusqu’aux moelles cependant.

Ulrich ne dormit guère, l’esprit hanté de visions, les membres secoués de frissons.

Le jour allait paraître quand il se releva. Ses jambes étaient raides comme des barres de fer, son âme faible à le faire crier d’angoisse, son cœur palpitant à le laisser choir d’émotion dès qu’il croyait entendre un bruit quelconque.

Il pensa soudain qu’il allait aussi mourir de froid dans cette solitude, et l’épouvante de cette mort, fouettant son énergie, réveilla sa vigueur.

Il descendait maintenant vers l’auberge, tom-