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LE VAGABOND

— De ce qu’on me donne.

— Vous mendiez, alors ?

Randel répondit résolument :

— Oui, quand je peux.

Mais le gendarme déclara : « Je vous prends en flagrant délit de vagabondage et de mendicité, sans ressource et sans profession, sur la route, et je vous enjoins de me suivre. »

Le charpentier se leva.

— Ousque vous voudrez, dit-il.

Et se plaçant entre les deux militaires, avant même d’en recevoir l’ordre, il ajouta :

— Allez, coffrez-moi. Ça me mettra un toit sur la tête quand il pleut.

Et ils partirent vers le village dont on apercevait les tuiles, à travers des arbres dépouillés de feuilles, à un quart de lieue de distance.

C’était l’heure de la messe, quand ils traversèrent le pays. La place était pleine de monde, et deux haies se formèrent aussitôt pour voir passer le malfaiteur qu’une troupe d’enfants excités suivait. Paysans et paysannes le regardaient, cet homme arrêté, entre deux gendarmes, avec une haine allumée dans les yeux, et une envie de lui jeter des pierres, de lui arracher la peau avec les ongles, de l’écraser sous leurs pieds. On se demandait s’il avait volé et s’il avait tué. Le boucher, ancien spahi, affirma : « C’est un déserteur. » Le débitant de tabac crut le reconnaître pour un