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le trou

« Voilà donc que je commence à asticoter mon épouse, mais elle se fâche tout de suite, et raide, encore. Donc je me tais.

« C’est à ce moment qu’arrivent de l’autre côté de la rivière nos deux témoins que voilà, M. Ladureau et M. Durdent. Nous nous connaissions de vue.

« Le petit s’était remis à pêcher. Il en prenait que j’en tremblais, moi. Et sa femme se met à dire : « La place est rudement bonne, nous y reviendrons toujours, Désiré ! »

« Moi, je me sens un froid dans le dos. Et Mme Renard répétait : « T’es pas un homme, t’es pas un homme. T’as du sang de poulet dans les veines. »

« Je lui dis soudain : « Tiens, j’aime mieux m’en aller, je ferais quelque bêtise. »

« Et elle me souffle, comme si elle m’eût mis un fer rouge sous le nez : « T’es pas un homme. V’là qu’tu fuis, maintenant, que tu rends la place ! Va donc, Bazaine ! »

« Là, je me suis senti touché. Cependant je ne bronche pas.

« Mais l’autre, il lève une brème, oh ! jamais je n’en ai vu telle. Jamais !

« Et r’voilà ma femme qui se met à parler haut, comme si elle pensait. Vous voyez d’ici la malice. Elle disait : « C’est ça qu’on peut appeler du poisson volé, vu que nous avons amorcé la place