Page:Maupassant - Le Horla.djvu/338

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acharnée d’un travail introuvable, les refus, les rebuffades, les nuits passées sur l’herbe, le jeûne, le mépris qu’il sentait chez les sédentaires pour le vagabond, cette question posée chaque jour : « Pourquoi ne restez-vous pas chez vous ? », le chagrin de ne pouvoir occuper ses bras vaillants qu’il sentait pleins de force, le souvenir des parents demeurés à la maison et qui n’avaient guère de sous, non plus, l’emplissaient peu à peu d’une colère lente, amassée chaque jour, chaque heure, chaque minute, et qui s’échappait de sa bouche, malgré lui, en phrases courtes et grondantes.

Tout en trébuchant sur les pierres qui roulaient sous ses pieds nus, il grognait : « Misère… misère… tas de cochons… laisser crever de faim un homme… un charpentier… tas de cochons… pas quatre sous… pas quatre sous… v’là qu’il pleut… tas de cochons !… »