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LA VEILLÉE

esprit avec tous ces petits détails oubliés, ces petits détails intimes et familiers, qui refont vivant l’être disparu. Ils se rappelaient des circonstances, des paroles, des sourires, des intonations de voix de celle qui ne leur parlerait plus. Ils la revoyaient heureuse et calme, retrouvaient des phrases qu’elle leur disait, et un petit mouvement de la main qu’elle avait parfois, comme pour battre la mesure, quand elle prononçait un discours important.

Et ils l’aimaient comme ils ne l’avaient jamais aimée. Et ils s’apercevaient, en mesurant leur désespoir, combien ils allaient se trouver maintenant abandonnés.

C’était leur soutien, leur guide, toute leur jeunesse, toute la joyeuse partie de leur existence qui disparaissaient, c’était leur lien avec la vie, la mère, la maman, la chair créatrice, l’attache avec les aïeux qu’ils n’auraient plus. Ils devenaient maintenant des solitaires, des isolés, ils ne pouvaient plus regarder derrière eux.

La religieuse dit à son frère : « Tu sais, comme maman lisait toujours ses vieilles lettres ; elles sont toutes là, dans son tiroir. Si nous les lisions