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CORRESPONDANCE

un seul un peu négligé, rien qu’un peu, je l’enverrai à la cuisine, avec les bonnes.

Les hommes d’aujourd’hui ont si peu d’égards et de savoir-vivre qu’il faut se montrer toujours sévère. C’est vraiment le règne de la goujaterie. Quand ils se querellent entre eux, ils se provoquent avec des injures de portefaix, et, devant nous, ils se tiennent beaucoup moins bien que nos domestiques. C’est aux bains de mer qu’il faut voir cela. Ils s’y trouvent en bataillons serrés et on peut les juger en masse. Oh ! les êtres grossiers qu’ils sont !

Figurez-vous qu’en chemin de fer, un d’eux, un monsieur qui semblait bien, au premier abord, grâce à son tailleur, a retiré délicatement ses bottes pour les remplacer par des savates. Un autre, un vieux qui doit être un riche parvenu (ce sont les plus mal élevés), assis en face de moi, a posé délicatement ses deux pieds sur la banquette, à mon côté. C’est admis.

Dans les villes d’eaux, c’est un déchaînement de grossièreté. Je dois ajouter une chose : ma révolte tient peut-être à ce que je ne suis point habituée à fréquenter communément les gens