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ROUERIE

qu’une chose coûte tant, parce qu’il crierait si cela valait plus. Et elle se tire toujours adroitement d’affaire par des moyens si faciles et si malins, que les bras nous en tombent lorsque nous les apercevons par hasard. Nous nous disons, stupéfaits : « Comment ne nous en étions-nous pas aperçus ? »

L’homme qui parlait était un ancien ministre de l’Empire, le comte de L…, fort roué, disait-on, et d’esprit supérieur.

Un groupe de jeunes gens l’écoutait.

Il reprit :

— J’ai été roulé par une humble petite bourgeoise d’une façon comique et magistrale. Je vais vous dire la chose pour votre instruction.

J’étais alors ministre des Affaires étrangères et, chaque matin, j’avais l’habitude de faire une longue promenade à pied aux Champs-Élysées. C’était au mois de mai ; je marchais en respirant avidement cette bonne odeur des premières feuilles.