Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
L’AMI JOSEPH

Ce fut tout, ce jour-là.

Lorsque Mme  de Méroul entra dans son salon, le lendemain matin, elle aperçut au milieu de sa table trois journaux qui la firent reculer : le Voltaire, la République française et la Justice.

Aussitôt Joseph Mouradour, toujours en bleu, parut sur le seuil, lisant avec attention l’Intransigeant. Il s’écria :

— Il y a, là-dedans, un fameux article de Rochefort. Ce gaillard-là est surprenant.

Il en fit la lecture à haute voix, appuyant sur les traits, tellement enthousiasmé, qu’il ne remarqua pas l’entrée de son ami.

M. de Méroul tenait à la main le Gaulois pour lui, le Clairon pour sa femme.

La prose ardente du maître écrivain qui jeta bas l’empire, déclamée avec violence, chantée dans l’accent du Midi, sonnait par le salon pacifique, secouait les vieux rideaux à plis droits, semblait éclabousser les murs, les grands fauteuils de tapisserie, les meubles graves posés depuis un siècle aux mêmes endroits, d’une grêle de mots bondissants, effrontés, ironiques et saccageurs.