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CRI D’ALARME

le dire… même quand on ne le pense qu’à moitié… parce que ça nous fait toujours plaisir à entendre…

Je me sentis animé tout à coup d’une audace fantastique, et, la saisissant par la taille, je cherchai sa bouche avec mes lèvres.

Cependant je devais trembler et ne pas lui paraître si terrible. Je dus aussi combiner et exécuter fort mal mon mouvement, car elle ne fit que tourner la tête pour éviter mon contact, en disant : « Oh ! mais non… c’est trop… c’est trop… Vous allez trop vite… prenez garde à ma coiffure… On n’embrasse pas une femme qui porte une coiffure comme la mienne !… »

J’avais repris ma place, éperdu, désolé de cette déroute. Mais la voiture s’arrêtait devant sa porte. Elle descendit, me tendit la main, et, de sa voix la plus gracieuse : « Merci de m’avoir ramenée, cher monsieur, et n’oubliez pas mon conseil. »

Je l’ai revue trois jours plus tard. Elle avait tout oublié.

Et moi, monsieur, je pense sans cesse aux autres… aux autres… à ceux qui savent compter