Page:Maupassant - Le Préjugé du déshonneur, paru dans Le Gaulois, 26 mai 1881.djvu/3

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Prenons un exemple tout récent. Un homme vient d’être acquitté après avoir occis sa moitié. À bout de patience, trompé, retrompé et encore retrompé, il finit par céder à la colère, et brûle la cervelle de la coupable.

Je choisis exprès un cas où le mari semble entièrement excusable, où l’indulgence du jury a soulevé des acclamations enthousiastes, où toutes les circonstances paraissent absoudre l’homme désespéré qui frappe.

Il aime sa femme éperdument. Très bien. Il lui a déjà pardonné dix fois. C’est vrai. Il l’a rêvée chaste et fidèle. Tant pis pour lui : où l’a-t-il prise ? C’est une fille publique rencontrée en pleine rue, épousée dans un accès de cette folie spéciale qu’on nomme Amour. Tant pis pour lui ! Il ne devait pas oublier que l’habitude est une seconde nature, que les canards retournent toujours à la rivière, et les filles publiques au ruisseau ; que le retapage des vertus avariées, par le maire ou le curé, est une utopie pareille à celle d’un gouvernement en même temps honnête et intelligent.