Page:Maupassant - Le Rosier de Madame Husson, OC, Conard, 1909.djvu/144

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Benoist sentit quelque chose dans ses mains, comme si on en avait enlevé le sang. Ses oreilles bourdonnaient ; il n’entendait plus rien, et il s’aperçut au bout de quelque temps qu’il pleurait dans son livre de messe.

Pendant un mois il garda la chambre. Puis il se remit au travail.

Mais il n’était point guéri et il y pensait toujours. Il évitait de passer par les chemins qui contournaient sa demeure, pour ne point même apercevoir les arbres de sa cour, ce qui le forçait à un grand circuit qu’il faisait matin et soir.

Elle était mariée maintenant avec Vallin, le plus riche fermier du canton. Benoist et lui ne se parlaient plus, bien qu’ils fussent camarades depuis l’enfance.

Or, un soir, comme Benoist passait devant la mairie, il apprit qu’elle était grosse. Au lieu d’en ressentir une grande douleur, il en éprouva au contraire une espèce de soulagement. C’était fini, maintenant, bien fini. Ils étaient plus séparés par cela que par le mariage. Vraiment, il aimait mieux ça.

Des mois passèrent, encore des mois. Il l’apercevait quelquefois, s’en allant au village de sa démarche alourdie. Elle devenait rouge