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SOUVENIRS.

tenaire, cause avec un polichinelle classique. Songez donc, madame, que mes parents aussi l’ont vue, cette Tentation de Saint Antoine, quand ils avaient dix ou douze ans ! Et c’est toujours le même homme qui la montre.

Sur sa tête est pendue une pancarte où on lit : « À céder pour cause de santé. » Et s’il ne trouve pas d’amateur, le pauvre vieux, le spectacle naïf et drôle dont s’amusent, depuis plus de soixante ans, toutes les générations de petits Normands, disparaîtra.

Je monte les marches de bois, qui tremblent, car je veux voir encore une fois, une dernière fois peut-être, le saint Antoine de mon enfance.

Les bancs, de misérables bancs étagés, portent un peuple de petits êtres, assis ou debout, babillant, faisant un bruit de foule, le bruit d’une foule de dix ans. Les parents se taisent, accoutumés à la corvée de chaque année. Quelques lampions éclairent l’intérieur sombre de la baraque.

La toile se lève.

Une grosse marionnette apparaît, faisant, au bout de ses fils, des gestes bizarres et maladroits.

Et voilà que toutes les petites têtes se