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L’ANGLAIS D’ÉTRETAT.

la bouche fuyante donnaient l’impression d’une tête de reptile, tandis que le crâne magnifique éveillait l’idée du génie.

Une trépidation nerveuse agitait cet être singulier qui marchait, remuait, agissait par saccades, comme aux secousses d’un ressort détraqué.

C’était Algernon-Charles Swinburne, fils d’un amiral anglais et petit-fils, par sa mère, du comte d’Ashburnham.

Sa physionomie, troublante, inquiétante même, se transfigurait quand il parlait. J’ai rarement vu un homme plus saisissant, plus éloquent, plus incisif, plus charmant dans l’action de la parole. Son imagination rapide, claire, suraiguë et fantasque semblait glisser dans sa voix, faire vivants et nerveux les mots. Son geste à sursauts scandait sa phrase sautillante qui vous pénétrait dans l’esprit comme une pointe, et il avait soudain des éclats de pensée, comme les phares ont des éclats de feu, de grandes lumières géniales qui semblent éclairer tout un monde d’idées.

La maison des deux amis était jolie et peu ordinaire. Partout des tableaux, parfois superbes, parfois étranges, fixant des conceptions d’aliénés. Une aquarelle, si je me sou-