Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/132

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morne, les bras inertes, gisait dans son lit. Une petite image de piété était piquée au rideau avec une épingle.

On sentait fortement l’indigestion dans la chambre.

Je dis : « Eh bien, mon oncle, vous êtes couché ? Ça ne va donc pas ? »

Il répondit d’une voix accablée : « Oh ! mon pauvre enfant, j’ai été bien malade, j’ai failli mourir. »

— Comment ça, mon oncle ?

— Je ne sais pas ; c’est bien étonnant. Mais ce qu’il y a de plus étrange, c’est que le père jésuite qui sort d’ici, tu sais, ce brave homme que je ne pouvais souffrir, eh bien, il a eu une révélation de mon état, et il est venu me trouver.

Je fus pris d’un effroyable besoin de rire. « Ah ! Vraiment ? »

— Oui, il est venu. Il a entendu une voix qui lui disait de se lever et de venir parce que j’allais mourir. C’est une révélation.

Je fis semblant d’éternuer pour ne pas éclater. J’avais envie de me rouler par terre.

Au bout d’une minute, je repris d’un ton indigné, malgré des fusées de gaieté : « Et vous l’avez reçu, mon oncle, vous ? un libre penseur ? un franc-maçon ? Vous ne l’avez pas jeté dehors ? »