Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/16

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Enfin nous nous endormîmes tous les deux de ce sommeil bruissant de chemin de fer que coupent d’horribles crampes dans les bras et dans le cou et les arrêts brusques du train.

Le réveil eut lieu comme nous filions le long du Rhône. Et bientôt le cri continu des cigales entrant par la portière, ce cri qui semble la voix de la terre chaude, le chant de la Provence, nous jeta dans la figure, dans la poitrine, dans l’âme, la gaie sensation du Midi, la saveur du sol brûlé, de la patrie pierreuse et claire de l’olivier trapu au feuillage vert de gris.

Comme le train s’arrêtait encore, un employé se mit à courir le long du convoi en lançant un Valence sonore, un vrai Valence, avec l’accent, avec tout l’accent, un Valence enfin qui nous fit passer de nouveau dans le corps ce goût de Provence que nous avait déjà donné la note grinçante des cigales.

Jusqu’à Marseille, rien de nouveau.

Nous descendîmes au buffet pour déjeuner.

Quand nous remontâmes dans notre wagon, une femme y était installée.

Paul me jeta un coup d’œil ravi ; et, d’un geste machinal il frisa sa courte moustache, puis, soulevant un peu sa coiffure, il glissa, comme un peigne, ses