Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/191

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tement. Je sonne. Elle est là, assise dans un fauteuil. Elle me dit : « Comme tu viens tard ! » Je l’embrasse. Puis nous mettons à table. Je pense tout le temps pendant le repas : « Je vais sortir après le dîner et je prendrai le train pour aller n’importe où. » Mais quand nous retournons au salon, je me sens tellement fatigué, que je n’ai plus le courage de me lever. Je reste. Et puis… et puis… je succombe toujours… »

Je ne pus m’empêcher de sourire encore. Il le vit et reprit : « Tu ris, mais je t’assure que c’est horrible. »

— Pourquoi, lui dis-je, ne préviens-tu pas ta femme ? À moins d’être un monstre, elle comprendrait.

Il haussa les épaules. « Oh ! tu en parles à ton aise. Si je ne la préviens pas, c’est que je connais sa nature. As-tu jamais entendu dire de certaines femmes : « Elle en est à son troisième mari ? » Oui, n’est-ce pas, et cela t’a fait sourire, comme tout à l’heure. Et pourtant, c’est vrai. Qu’y faire ? Ce n’est ni sa faute ni la mienne. Elle est ainsi, parce que la nature l’a faire ainsi. Elle a, mon cher, un tempérament de Messaline. Elle l’ignore, mais je le sais bien ; tant pis pour moi. Elle est charmante, douce, tendre, trouvant