Il se leva, me tendit la main. Une colère tumultueuse m’envahissait, une colère haineuse contre cette femme, contre la femme, contre cet être inconscient, charmant, terrible. Il boutonnait son paletot pour s’en aller. Je lui jetai brutalement par la face : « Mais, sacrebleu, donne-lui des amants plutôt que de te laisser tuer ainsi ! »
Il haussa encore les épaules, sans répondre, et s’éloigna.
Je fus six mois sans le revoir. Je m’attendais chaque matin à recevoir une lettre de faire-part me priant à son enterrement. Mais je ne voulais point mettre les pieds chez lui, obéissant à un sentiment compliqué, fait de mépris pour cette femme et pour lui, de colère, d’indignation, de mille sensations diverses.
Je me promenais aux Champs-Elysées par un beau jour de printemps. C’était un de ces après-midi tièdes, qui remuent en nous des joies secrètes, qui nous allument les yeux et versent sur nous un tumultueux bonheur de vivre. Quelqu’un me frappa sur l’épaule. Je me retournai : c’était lui ; c’était lui, superbe, bien portant, rose, gras, ventru.
Il me tendit les deux mains, épanoui de plaisir, et criant : « Te voilà donc, lâcheur ? »