Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/202

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— Tu devrais avoir la main plus large, puisque nous ne mangeons jamais nos revenus.

Elle répondait :

— On ne sait jamais ce qui peut arriver. Il vaut mieux avoir plus que moins.

C’était une petite femme de quarante ans, vive, ridée, propre, et souvent irritée.

Son mari, à tout moment, se plaignait des privations qu’elle lui faisait endurer. Il en était certaines qui lui devenaient particulièrement pénibles, parce qu’elles atteignaient sa vanité.

Il était commis principal au ministère de la Guerre, demeuré là uniquement pour obéir à sa femme, pour augmenter les rentes inutilisées de la maison.

Or, pendant deux ans, il vint au bureau avec le même parapluie rapiécé qui donnait à rire à ses collègues. Las enfin de leurs quolibets, il exigea que Mme  Oreille lui achetât un nouveau parapluie. Elle en prit un de huit francs cinquante, article de réclame d’un grand magasin. Des employés, en apercevant cet objet jeté dans Paris par milliers, recommencèrent leurs plaisanteries, et Oreille en souffrit horriblement. Le parapluie ne valait rien. En trois mois, il fut hors de service, et la gaieté devint générale dans le Minis-