Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur une des galeries extérieures qui dominait le lac de Vihara. Nous regardions, sans parler, la lune éclatante qui glissait au fond du ciel en jetant sur l’eau un manteau d’argent frissonnant, et là-bas, sur l’autre rive, la ligne des petites pagodes, semblables à des champignons gracieux qui auraient poussé le pied dans l’eau. Et prenant en mes bras la tête sérieuse de ma petite maîtresse, je baisais lentement, longuement son front poli, ces grands yeux pleins du secret de cette terre antique et fabuleuse, et ses lèvres calmes qui s’ouvraient sous ma caresse. Et j’éprouvais une sensation confuse, puissante, poétique surtout, la sensation que je possédais toute une race dans cette fillette, cette belle race mystérieuse d’où semblent sorties toutes les autres.

Le prince cependant continuait à m’accabler de cadeaux.

Un jour il m’envoya un objet bien inattendu qui excita chez Châli une admiration passionnée. C’était simplement une boîte de coquillages, une de ces boîtes en carton recouvertes d’une enveloppe de petites coquilles collées simplement sur la pâte. En France, cela aurait valu au plus quarante sous. Mais là-bas, le prix de ce bijou était inestimable. C’était le