Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/42

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visage passer l’ombre de mon inquiétude : — « Avec ça que tu la connais ? Je te trouve surprenant ! Tu cueilles dans un wagon une Italienne qui voyage seule ; elle t’offre avec un cynisme vraiment singulier d’aller coucher avec toi dans le premier hôtel venu. Tu l’emmènes. Et tu prétends que ce n’est pas une fille ! Et tu te persuades que tu ne cours pas plus de danger ce soir que si tu allais passer la nuit dans le lit d’une… d’une femme atteinte de petite vérole ! »

Et il riait de son rire mauvais et vexé. Je m’assis, torturé d’angoisse. Qu’allais-je faire ? Car il avait raison. Et un combat terrible se livrait en moi entre la crainte et le désir.

Il reprit : « Fais ce que tu voudras, je t’aurai prévenu ; tu ne te plaindras pas des suites. »

Mais je vis dans son œil une gaîté si ironique, un tel plaisir de vengeance ; il se moquait si gaillardement de moi que je n’hésitai plus. Je lui tendis la main. « Bonsoir, lui dis-je.

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Et, ma foi, mon cher, la victoire vaut le danger. »

Et j’entrai d’un pas ferme dans la chambre de Francesca.