Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec un étonnant fracas de paroles, regardait si les lits étaient bien faits, si les habits étaient bien brossés, si le service ne laissait rien à désirer. Enfin, elle soignait ses pensionnaires comme une mère, mieux qu’une mère.

J’eus bientôt fait la connaissance de mes quatre compatriotes. Deux étudiaient la médecine, et les deux autres faisaient leur droit, mais tous subissaient le joug despotique de la patronne. Ils avaient peur d’elle comme un maraudeur a peur du garde champêtre.

Quant à moi, je me sentis tout de suite des désirs d’indépendance, car je suis un révolté par nature. Je déclarai d’abord que je voulais rentrer à l’heure qui me plairait, car Mme Kergaran avait fixé minuit comme dernière limite. À cette prétention, elle planta sur moi ses yeux clairs pendant quelques secondes, puis elle déclara :

— Ce n’est pas possible. Je ne peux pas tolérer qu’on réveille Annette toute la nuit. Vous n’avez rien à faire dehors passé certaine heure.

Je répondis avec fermeté : « D’après la loi, madame, vous êtes obligée de m’ouvrir à toute heure. Si vous le refusez, je le ferai constater par des sergents de ville et j’irai coucher à l’hôtel à vos frais, comme c’est