Page:Maupassant - Les bas-fonds, paru dans Le Gaulois, 28 juillet 1882.djvu/3

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vraisemblables. Ce principe admis, cet idéal artistique une fois posé (et chaque époque a le sien), l’étude unique et continue de ce qu’on appelle les bas-fonds serait aussi illogique que la représentation constante d’un monde poétiquement parfait.

Quelle différence existerait-il, entre une œuvre dont tous les personnages seraient sages comme des images, et une autre œuvre dont les personnages seraient vils et criminels ? Aucune. Dans l’une comme dans l’autre subsisterait un parti pris de bien comme de mal, qui ne s’accorderait en rien avec la prétention adoptée de rendre la vie, c’est-à-dire d’être plus équitable, plus juste, plus vraisemblable que la vie même.

Dans le roman tel que le comprenaient nos aînés, on recherchait les exceptions, les fantaisies de l’existence, les aventures rares et compliquées. On créait avec cela une sorte de monde nullement humain, mais agréable à l’imagination. Cette manière de procéder a été baptisée : « Méthode ou Art idéaliste. »

Du roman, tel qu’on le comprend aujourd’hui, on cherche à bannir les exceptions. On veut faire, pour ainsi dire, une moyenne des événements humains et en déduire une philosophie générale, ou plutôt dégager les idées générales des faits, des habitudes, des mœurs, des aventures qui se reproduisent le plus généralement.