Page:Maupassant - Les dimanches d'un bourgeois de Paris - Ollendorff, 1906.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
les dimanches d’un bourgeois de paris

combien d’hommes, dans chaque pays, semblent des portraits du Prince ! — Il avait peut-être une vague ressemblance avec Napoléon III, mais ses cheveux étaient noirs — il les teignit. Alors la similitude fut absolue ; et, quand il rencontrait dans la rue un autre monsieur représentant aussi la figure impériale, il en était jaloux et le regardait dédaigneusement. Ce besoin d’imitation devint bientôt son idée fixe, et, ayant entendu un huissier des Tuileries contrefaire la voix de l’Empereur, il en prit à son tour les intonations et la lenteur calculée.

Il devint ainsi tellement pareil à son modèle qu’on les aurait confondus, et des gens au Ministère, des hauts fonctionnaires, murmuraient, trouvant la chose inconvenante, grossière même ; on en parla au ministre, qui manda cet employé devant lui. Mais, à sa vue, il se mit à rire, et répéta deux ou trois fois : « C’est drôle, vraiment drôle ! » On l’entendit, et le lendemain, le supérieur direct de Patissot proposa son subordonné pour un avancement de trois cents francs, qu’il obtint immédiatement.