Page:Maupassant - Les femmes, paru dans Gil Blas, 29 octobre 1881.djvu/4

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Certes la Parisienne d’aujourd’hui n’est plus tout à fait la Parisienne d’autrefois ; il y a décadence, mais non disparition. Est-ce la faute de la République ? C’est discutable. Il y a confusion, je crois, en ce sens que le gouvernement est toujours un résultat de la société, tandis que la femme est aussi un reflet de cette société. Le monde me semble donc être le vrai coupable.

Avez-vous lu le livre de MM. Edmond et Jules de Goncourt : La Femme au XVIIe siècle ? C’est le plus admirable ouvrage que je connaisse où il soit traité de l’art d’être femme. J’y trouve ceci :

« Façons, physionomie, son de voix, regard des yeux, élégance de l’air, affectations, négligences, recherches, sa beauté, sa tournure, la femme doit tout acquérir et tout recevoir du monde. »

Comme elle est vraie, cette parole du grand romancier ! La femme se forme et se modifie à l’image de la société où elle vit. À quelle époque, en France, a-t-elle atteint sa perfection ? C’est justement pendant ce dix-huitième siècle, le siècle féminin par excellence, dont nous parle si subtilement l’écrivain. C’est alors qu’apparurent dans Paris ces êtres adorables dont on croit encore respirer le passage, ces radieuses figures, étoiles d’amour dont l’éblouissement nous est resté. Elles se sont formées dans l’air parfumé de cette époque qui fit éclore toutes les élégances ;