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LES MASQUES



En lisant un roman nouveau, l’autre jour, je me posais cette question difficile à résoudre : « Jusqu’où va le droit du romancier de sauter par-dessus le fameux mur de la vie privée et de cueillir dans l’existence du voisin les détails souvent scabreux dont il a besoin pour ses romans. »

La loi, toujours si facile à tourner, défend la médisance et la punit. Mais du moment qu’on ne nomme personne, du moment qu’on désigne M. Bataille sous le transparent synonyme de M. Combat, la loi devient aveugle et laisse faire. L’homme désigné, s’il se reconnaît ou juge utile de se reconnaître, n’a que la ressource d’envoyer des témoins à l’écrivain. L’affaire se termine par une piqûre au bras, et le livre reste, devenu plus clair, plus dangereux, plus salissant pour les personnes racontées dedans.

D’un autre côté, les romanciers ne travaillant aujourd’hui que d’après nature,