Page:Maupassant - Les masques, paru dans Gil Blas, 5 juin 1883.djvu/4

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n’avoue pas.

Si on racontait, si on osait raconter tout ce qu’on sait, tout ce qu’on voit, tout ce qu’on découvre à chaque moment dans la vie de tous ceux qui nous entourent, de tous ceux qu’on dit, qu’on croit honnêtes, de tous ceux qui sont respectés, honorés et cités, si on osait raconter aussi tout ce qu’on fait soi-même, les vilaines duplicités d’âme qu’on ne s’avoue seulement pas, les secrets qu’on a vis-à-vis de sa propre honnêteté, si on analysait sincèrement nos pactisations, nos raisonnements hypocrites, nos douteuses résolutions, toute notre cuisine de conscience, ce serait un tel scandale que l’écrivain serait mis à l’index jusqu’à sa mort, peut-être même emprisonné pour outrage à la morale.

La hardiesse et la conscience littéraires ne vont pas jusque-là. On se borne généralement à s’emparer d’un fait connu, chuchoté sinon crié par la voix publique ;