Page:Maupassant - Lettre d'un fou (extrait de Gil Blas, édition du 1885-02-17).djvu/17

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comme à travers de l’eau ; et il me semblait que cette eau glissait de gauche à droite, lentement, me rendant plus précis de seconde en seconde. C’était comme la fin d’une éclipse. Ce qui me cachait n’avait pas de contours, mais une sorte de transparence opaque s’éclaircissant peu à peu.

Et je pus enfin me distinguer nettement, ainsi que je fais tous les jours en me regardant.

Je l’avais donc vu !

Et je ne l’ai pas revu.

Mais je l’attends sans cesse, et je sens que ma tête s’égare dans cette attente.

Je reste pendant des heures, des nuits, des jours, des semaines, devant ma glace, pour l’attendre ! Il ne vient plus.

Il a compris que je l’avais vu. Mais moi je sens que je l’attendrai toujours, jusqu’à la mort, que je l’attendrai sans repos, devant cette glace, comme un chasseur à l’affût.

Et, dans cette glace, je commence à voir des images folles, des monstres, des cadavres hideux, toutes sortes de bêtes effroyables, d’êtres atroces, toutes les visions invraisemblables qui doivent hanter l’esprit des fous.