Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, OC, Conard, 1909.djvu/26

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rience l’emporta. Il y eut seulement beaucoup de baisers, des baisers d’attente.

Soudain Rachel suffoqua, toussant aux larmes et rendant de la fumée par les narines. Le marquis, sous prétexte de l’embrasser, venait de lui souffler un jet de tabac dans la bouche. Elle ne se fâcha point, ne dit pas un mot, mais elle regarda fixement son possesseur avec une colère éveillée tout au fond de son œil noir.

On s’assit. Le commandant lui-même semblait enchanté ; il prit à sa droite Paméla, Blondine à sa gauche, et déclara, en dépliant sa serviette : « Vous avez eu là une charmante idée, capitaine. »

Les lieutenants Otto et Fritz, polis comme auprès des femmes du monde, intimidaient un peu leurs voisines ; mais le baron de Kelweingstein, lâché dans son vice, rayonnait, lançait des mots grivois, semblait en feu avec sa couronne de cheveux rouges. Il galantisait en français du Rhin, et ses compliments de taverne, expectorés par le trou des deux dents brisées, arrivaient aux filles au milieu d’une mitraille de salive.

Elles ne comprenaient rien, du reste, et leur intelligence ne sembla s’éveiller que lors-