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Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, OC, Conard, 1909.djvu/274

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M. JOCASTE.

entier qui ne sait plus, qui se donne, que l’instinct tumultueux emporte, jette à l’étreinte d’un amant, comme il jette la bête au mâle.

S’il se tuait, que deviendrait-elle ?… Elle mourrait !… Elle mourrait déshonorée, désespérée, abominablement torturée.

Que faire ?

L’abandonner, la doter, la marier ?.. Elle mourrait encore ; elle mourrait de chagrin, sans accepter son argent ni un autre époux, puisqu’elle s’était livrée à lui. Il avait brisé sa vie, détruit tout bonheur possible pour elle ; il l’avait condamnée à l’éternelle misère, à l’éternel désespoir, aux flammes éternelles, à l’éternelle solitude ou à la mort.

Et puis, il l’aimait aussi, lui ! Il l’aimait avec horreur, maintenant, mais aussi avec emportement. C’était sa fille, soit. Le hasard des fécondations, la loi brutale de la reproduction, un contact d’une seconde avaient fait sa fille de cet être qu’aucun lien légal n’attachait à lui, qu’il chérissait comme il avait chéri sa mère, et même plus, comme si deux passions se fussent accumulées en lui.

Était-elle bien sa fille d’ailleurs ? Et puis, qu’importe ? Qui donc le saurait ?