Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, OC, Conard, 1909.djvu/28

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et tout le fumet de sa personne ; tantôt, à travers l’étoffe, il la pinçait avec fureur, la faisant crier, saisi d’une férocité rageuse, travaillé par son besoin de ravage. Souvent aussi, la tenant à pleins bras, l’étreignant comme pour la mêler à lui, il appuyait longuement ses lèvres sur la bouche fraîche de la juive, la baisait à perdre haleine ; mais soudain il la mordit si profondément qu’une traînée de sang descendit sur le menton de la jeune fille et coula dans son corsage.

Encore une fois, elle le regarda bien en face, et, lavant la plaie, murmura : « Ça se paye, cela. » Il se mit à rire, d’un rire dur. « Je payerai, » dit-il.

On arrivait au dessert ; on versait du champagne. Le commandant se leva, et du même ton qu’il aurait pris pour porter la santé de l’impératrice Augusta, il but :

« À nos dames ! » Et une série de toasts commença, des toasts d’une galanterie de soudards et de pochards, mêlés de plaisanteries obscènes, rendues plus brutales encore par l’ignorance de la langue.

Ils se levaient l’un après l’autre, cherchant de l’esprit, s’efforçant d’être drôles ; et les femmes, ivres à tomber, les yeux vagues, les