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LE LIT

l’autre année, dans quelque poète antique, je ne sais lequel, peut-être le doux Ronsard ?

Et quand au lit nous serons
Entrelacés, nous ferons
Les lascifs, selon les guises
Des amants qui librement
Pratiquent folâtrement
Sous les draps cent mignardises.

« Ces vers-là, je les voudrais avoir brodés en ce plafond de mon lit, d’où Pyrame et Thisbé me regardent sans fin avec leurs yeux de tapisserie.

« Et songez à la mort, mon ami, à tous ceux qui ont exhalé vers Dieu leur dernier souffle en ce lit. Car il est aussi le tombeau des espérances finies, la porte qui ferme tout après avoir été celle qui ouvre le monde. Que de cris, que d’angoisses, de souffrances, de désespoirs épouvantables, de gémissements d’agonie, de bras tendus vers les choses passées, d’appels aux bonheurs terminés à jamais ; que de convulsions, de râles, de grimaces, de bouches tordues, d’yeux retournés, dans ce lit, où je vous écris, depuis trois siècles qu’il prête aux hommes son abri !

« Le lit, songez-y, c’est le symbole de la vie ; je