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fou

Alors, perdant la tête, pour ne plus la contempler, je me tournai vers la fenêtre, et j’aperçus un valet emmenant par la bride vers l’écurie son grand cheval, qui se cabrait.

Elle aussi suivait de l’œil l’animal ardent et bondissant. Puis, quand il eut disparu, elle s’endormit tout à coup.

Je songeai toute la nuit ; et il me sembla pénétrer des mystères que je n’avais jamais soupçonnés. Qui sondera jamais les perversions de la sensualité des femmes ? Qui comprendra leurs invraisemblables caprices et l’assouvissement étrange des plus étranges fantaisies ?

Chaque matin, dès l’aurore, elle partait au galop par les plaines et les bois ; et, chaque fois, elle rentrait alanguie, comme après des frénésies d’amour.

J’avais compris ! j’étais jaloux maintenant du cheval nerveux et galopant ; jaloux du vent qui caressait son visage quand elle allait d’une course folle ; jaloux des feuilles qui baisaient, en passant, ses oreilles ; des gouttes de soleil qui lui tombaient sur le front à travers les branches ; jaloux de la selle qui la portait et qu’elle étreignait de sa cuisse.