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mots d’amour

Tu continues à ne point comprendre, n’est-ce pas ? J’y comptais.

Te rappelles-tu la première fois que tu es venue chez moi ? Tu es entrée brusquement avec une odeur de violette envolée de tes jupes ; nous nous sommes regardés longtemps sans dire un mot, puis embrassés comme des fous… puis… puis jusqu’au lendemain nous n’avons point parlé.

Mais, quand nous nous sommes quittés, nos mains tremblaient et nos yeux se disaient des choses, des choses… qu’on ne peut exprimer dans aucune langue. Du moins, je l’ai cru. Et tout bas, en me quittant, tu as murmuré : « À bientôt ! » — Voilà tout ce que tu as dit ; et tu ne t’imagineras jamais quel enveloppement de rêve tu me laissais, tout ce que j’entrevoyais, tout ce que je croyais deviner en ta pensée.

Vois-tu, ma pauvre enfant, pour les hommes pas bêtes, un peu raffinés, un peu supérieurs, l’amour est un instrument si compliqué qu’un rien le détraque. Vous autres femmes, vous ne percevez jamais le ridicule de certaines choses quand vous aimez, et le grotesque des expressions vous échappe.

Pourquoi une parole juste dans la bouche d’une petite femme brune est-elle souverainement fausse et