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nuit de noël

J’avais alors un gros travail en train et je refusai toute invitation pour le réveillon, préférant passer la nuit devant une table. Je dînai seul ; puis je me mis à l’œuvre. Mais voilà que, vers dix heures, la pensée de la gaîté courant Paris, le bruit des rues qui me parvenait malgré tout, les préparatifs de souper de mes voisins, entendus à travers les cloisons, m’agitèrent. Je ne savais plus ce que je faisais ; j’écrivais des bêtises ; et je compris qu’il fallait renoncer à l’espoir de produire quelque chose de bon cette nuit-là.

Je marchai un peu à travers ma chambre. Je m’assis, je me relevai. Je subissais, certes, la mystérieuse influence de la joie du dehors, et je me résignai.

Je sonnai ma bonne et je lui dis : « Angèle, allez m’acheter de quoi souper à deux : des huîtres, un perdreau froid, des écrevisses, du jambon, des gâteaux. Montez-moi deux bouteilles de champagne ; mettez le couvert et couchez-vous ».

Elle obéit, un peu surprise. Quand tout fut prêt, j’endossai mon pardessus, et je sortis.

Une grosse question restait à résoudre : Avec qui allais-je réveillonner ? Mes amies étaient invitées partout. Pour en avoir une, il aurait fallu m’y prendre d’avance. Alors, je songeai à faire en même temps une