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MADAME BAPTISTE

« C’était pitié de voir cette pauvre petite sur le cours où vont jouer les mioches toutes les après-midi. Elle restait toute seule, debout, près de sa domestique, regardant d’un air triste les autres gamins qui s’amusaient. Quelquefois, cédant à une irrésistible envie de se mêler aux enfants, elle s’avançait timidement, avec des gestes craintifs, et entrait dans un groupe d’un pas furtif, comme consciente de son indignité. Et aussitôt, de tous les bancs, accouraient les mères, les bonnes, les tantes, qui saisissaient par la main les fillettes confiées à leur garde et les entraînaient brutalement. La petite Fontanelle demeurait isolée, éperdue, sans comprendre ; et elle se mettait à pleurer, le cœur crevant de chagrin. Puis elle courait se cacher la figure, en sanglotant, dans le tablier de sa bonne.

« Elle grandit ; ce fut pis encore. On éloignait d’elle les jeunes filles comme une pestiférée. Songez donc que cette jeune personne n’avait plus rien à apprendre, rien ; qu’elle n’avait plus droit à la symbolique fleur d’oranger ; qu’elle avait pénétré, presque avant de savoir lire, le redoutable mystère que les mères laissent à peine deviner, en tremblant, le soir seulement du mariage.

« Quand elle passait dans la rue, accompagnée de