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LA ROUILLE

compagnant au piano, une bonne vint, avec un grand mystère, chercher M. de Courville, en lui disant tout bas qu’un monsieur le demandait. C’était le baron, changé, vieilli, en costume de voyage. Dès qu’il vit son vieil ami, il lui saisit les mains, et, d’une voix un peu fatiguée : « J’arrive à l’instant, mon cher, et j’accours chez vous, je n’en puis plus ». Puis il hésita, visiblement embarrassé : « Je voulais vous dire… tout de suite… que cette… cette affaire… vous savez bien… est manquée ».

M. de Courville le regardait stupéfait. « Comment ? manquée ? Et pourquoi ? — Oh ! ne m’interrogez pas, je vous prie, ce serait trop pénible à dire, mais soyez sûr que j’agis en… honnête homme. Je ne peux pas… Je n’ai pas le droit, vous entendez, pas le droit, d’épouser cette dame. J’attendrai qu’elle soit partie pour revenir chez vous ; il me serait trop douloureux de la revoir. Adieu ».

Et il s’enfuit.

Toute la famille délibéra, discuta, supposa mille choses. On conclut qu’un grand mystère était caché dans la vie du baron, qu’il avait peut-être des enfants naturels, une vieille liaison. Enfin l’affaire paraissait grave ; et pour ne point entrer en des complications