Page:Maupassant - Miss Harriet - Ollendorff, 1907.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
l’âne

puis elle grandit, s’accentua, et, sortant du rideau nébuleux jeté sur la rivière, un bateau plat, monté par deux hommes, vint s’échouer contre l’herbe.

Celui qui ramait se leva et prit au fond de l’embarcation un seau plein de poissons ; puis il jeta sur son épaule l’épervier encore ruisselant. Son compagnon, qui n’avait pas remué, prononça :

— Apporte ton fusil, nous allons dégoter quéque lapin dans les berges, hein, Mailloche ?

L’autre répondit :

— Ça me va. Attends-moi, je te rejoins.

Et il s’éloigna pour mettre à l’abri leur pêche.

L’homme resté dans la barque bourra lentement sa pipe et l’alluma.

Il s’appelait Lobouisse dit Chicot, et était associé avec son compère Maillochon, vulgairement appelé Mailloche, pour exercer la profession louche et vague de ravageurs.

Mariniers de bas étage, ils ne naviguaient régulièrement que dans les mois de famine. Le reste du temps ils ravageaient. Rôdant jour et nuit sur le fleuve, guettant toute proie morte ou vivante, braconniers d’eau, chasseurs nocturnes, sortes d’écumeurs d’égouts, tantôt à l’affût des chevreuils de la forêt de Saint-Germain, tantôt