Mon oncle Jules, le frère de mon père, était le seul espoir de la famille, après en avoir été la terreur. J’avais entendu parler de lui depuis mon enfance, et il me semblait que je l’aurais reconnu du premier coup, tant sa pensée m’était devenue familière. Je savais tous les détails de son existence jusqu’au jour de son départ pour l’Amérique, bien qu’on ne parlât qu’à voix basse de cette période de sa vie.
Il avait eu, paraît-il, une mauvaise conduite, c’est-à-dire qu’il avait mangé quelque argent, ce qui est bien le plus grand des crimes pour les familles pauvres. Chez les riches, un homme qui s’amuse fait des bêtises. Il est ce qu’on appelle, en souriant, un noceur. Chez les nécessiteux, un garçon qui force les parents à écorner le capital devient un mauvais sujet, un gueux, un drôle !
Et cette distinction est juste, bien que le fait soit le même, car les conséquences seules déterminent la gravité de l’acte.
Enfin l’oncle Jules avait notablement diminué l’héritage sur lequel comptait mon père ; après avoir d’ailleurs mangé sa part jusqu’au dernier sou.
On l’avait embarqué pour l’Amérique, comme on faisait alors, sur un navire marchand allant du Havre à New-York.
Une fois là-bas, mon oncle Jules s’établit marchand de je ne sais quoi, et il écrivit bientôt qu’il gagnait un peu d’argent et qu’il espérait