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miss harriet

plus proche, passait en déroulant sa fumée qui laissait derrière lui un nuage sans fin traversant tout l’horizon.

Le globe rouge descendait toujours, lentement. Et bientôt il toucha l’eau, juste derrière le navire immobile qui apparut, comme dans un cadre de feu au milieu de l’astre éclatant. Il s’enfonçait peu à peu, dévoré par l’Océan. On le voyait plonger, diminuer, disparaître. C’était fini. Seul le petit bâtiment montrait toujours son profil découpé sur le fond d’or du ciel lointain.

Miss Harriet contemplait d’un regard passionné la fin flamboyante du jour. Et elle avait certes une envie immodérée d’étreindre le ciel, la mer, tout l’horizon.

Elle murmura : « Aoh ! J’aimé… j’aimé… j’aimé… » Je vis une larme dans son œil. Elle reprit : « Je vôdré être une petite oiseau pour m’envolé dans le firmament. »

Et elle restait debout, comme je l’avais vue souvent, piquée sur la falaise, rouge aussi dans son châle de pourpre. J’eus envie de la croquer sur mon album. On eût dit la caricature de l’extase.

Je me retournai pour ne pas sourire.

Puis, je lui parlai peinture, comme j’aurais fait à un camarade, notant les tons, les valeurs, les vigueurs, avec des termes du métier. Elle m’écoutait attentivement, comprenant, cherchant