Je ne pensais à rien ! Pourquoi penser en ces heures de joie inconsciente, profonde, charnelle, joie de bête qui court dans l’herbe, ou qui vole dans l’air bleu sous le soleil ? J’entendais chanter au loin des chants pieux. Une procession peut-être, car c’était un dimanche. Mais je tournai un petit cap et je demeurai immobile, ravi. Cinq gros bateaux de pêche m’apparurent remplis de gens, hommes, femmes, enfants, allant au pardon de Plouneven.
Ils longeaient la rive, doucement, poussés à peine par une brise molle et essoufflée qui gonflait un peu les voiles brunes, puis, s’épuisant aussitôt, les laissait retomber, flasques, le long des mâts.
Les lourdes barques glissaient lentement, chargées de monde. Et tout ce monde chantait. Les hommes debout sur les bordages, coiffés du grand chapeau, poussaient leurs notes puissantes, les femmes criaient leurs notes aiguës, et les voix grêles des enfants passaient comme des sons de fifre faux