Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/285

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cesser leur isolement, rien que pendant une minute au moins ; mais ils demeurent, ils demeureront toujours seuls ; et nous aussi.

On s’en aperçoit plus ou moins, voilà tout.

Depuis quelque temps j’endure cet abominable supplice d’avoir compris, d’avoir découvert l’affreuse solitude où je vis, et je sais que rien ne peut la faire cesser, rien, entends-tu ! Quoi que nous tentions, quoi que nous fassions, quels que soient l’élan de nos cœurs, l’appel de nos lèvres et l’étreinte de nos bras, nous sommes toujours seuls.

Je t’ai entraîné ce soir, à cette promenade, pour ne pas rentrer chez moi, parce que je souffre horriblement, maintenant, de la solitude de mon logement. À quoi cela me servira-t-il ? Je te parle, tu m’écoutes, et nous sommes seuls tous deux, côte à côte, mais seuls. Me comprends-tu ?

Bienheureux les simples d’esprit, dit l’Écriture. Ils ont l’illusion du bonheur. Ils ne sentent pas, ceux-là, notre misère soli-