Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chapeau. Quand il arrivait à sa brasserie coiffé d’un nouveau couvre-chef, il se contemplait longtemps dans la glace avant de s’asseoir, le mettait et l’enlevait plusieurs fois de suite, le posait de différentes façons, et demandait enfin à son amie, la dame du comptoir, qui le regardait avec intérêt : « Trouvez-vous qu’il me va bien ? »

Deux ou trois fois par an il allait au théâtre ; et, l’été, il passait quelquefois ses soirées dans un café-concert des Champs-Élysées. Il en rapportait dans sa tête des airs qui chantaient au fond de sa mémoire pendant plusieurs semaines et qu’il fredonnait même en battant la mesure avec son pied, lorsqu’il était assis devant son bock.

Les années se suivaient, lentes, monotones et courtes parce qu’elles étaient vides.

Il ne les sentait pas glisser sur lui. Il allait à la mort sans remuer, sans s’agiter, assis en face d’une table de brasserie ; et seule la grande glace où il appuyait son crâne plus dénudé chaque jour reflétait les ravages du