Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais à partir du moment où la vraie coquetterie se déclara chez Christiane, à partir de l’heure où elle découvrit toutes les adresses natives de la femme pour séduire les hommes, où elle se mit en tête de jeter à ses genoux ce passionné, comme elle aurait entrepris de gagner une partie de croquet, il se laissa prendre, ce roué candide, aux mines de cette innocente, et il commença à l’aimer.

Alors il devint gauche, inquiet, nerveux ; et elle le traita comme un chat fait d’une souris.

Avec une autre il n’eût point été gêné, il eût parlé, il l’eût conquise par sa fougue entraînante ; avec elle il n’osait pas, tant elle lui semblait différente de toutes celles qu’il avait connues.

Les autres, en somme, étaient des femmes déjà brûlées par la vie, à qui on pouvait tout dire, avec qui on pouvait oser les appels les plus hardis, en leur murmurant près des lèvres les paroles frémissantes qui enflamment le sang. Il se savait, il se sentait irrésistible quand il pouvait communiquer librement à l’âme, au cœur, aux sens de celle qu’il aimait le désir impétueux dont il était ravagé.

Auprès de Christiane il se croyait auprès d’une jeune fille, tant il la devinait novice ;