Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plir de ce qu’il aurait voulu faire, à lui témoigner l’impérieux besoin de se dévouer qui lui brûlait les veines, lui donnait des aspects de bête féroce enchaînée et, en même temps, d’étranges envies de sangloter.

Elle voyait tout cela sans le comprendre complètement, et s’en amusait avec la joie maligne des coquettes.

Lorsqu’ils étaient restés derrière les autres et qu’elle sentait, à son allure, qu’il allait enfin dire quelque chose d’inquiétant, elle se mettait brusquement à courir pour rattraper son père, et l’ayant rejoint elle criait : « Si nous faisions une partie de quatre coins. »

Les parties de quatre coins servaient en général de terme aux excursions. On cherchait une clairière, un bout de route plus large, et on jouait, comme des gamins en promenade.

Les petites Oriol et Gontran lui-même prenaient un grand plaisir à cet amusement qui satisfaisait l’incessante envie de courir que portent en eux tous les êtres jeunes. Seul, Paul Brétigny grognait, obsédé par d’autres idées, puis, s’animant peu à peu, il se mettait à la partie avec plus de fureur que les autres afin de prendre Christiane, de la toucher, de poser la main brusquement sur son épaule ou sur son corsage.