Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/185

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toute la puissance que nous prend l’amour, l’amour divin, ils les emploient à chercher de l’or, à songer à l’or, à amasser de l’or ! L’homme, l’homme intelligent, vit pour toutes les grandes tendresses désintéressées, les arts, l’amour, la science, les voyages, les livres ; et s’il cherche l’argent, c’est parce que cela facilite les joies réelles de l’esprit et même le bonheur du cœur ! Mais eux, ils n’ont rien dans l’esprit et dans le cœur que ce goût ignoble du trafic ! Ils ressemblent aux hommes de valeur, ces écumeurs de la vie, comme le marchand de tableaux ressemble au peintre, comme l’éditeur ressemble à l’écrivain, comme le directeur de théâtre ressemble au poète.

Il se tut soudain, comprenant qu’il se laissait emporter, et il reprit d’une voix plus calme :

— Je ne dis point cela pour Andermatt, que je trouve un charmant homme. Je l’aime beaucoup parce qu’il est cent fois supérieur à tous les autres…

Christiane avait retiré sa main. Paul de nouveau cessa de parler.

Gontran se mit à rire, et de sa voix méchante, dont il osait tout dire, en ses heures de gouaillerie sincère :

— En tout cas, mon cher, ces hommes-là ont un rare mérite : c’est d’épouser nos sœurs