Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pagne leur jouaient tout le long des jours et des nuits la musique de leur amour, et cette musique les avait excités jusqu’à la démence, comme le son des tambourins et des flûtes aiguës pousse à des actes de déraison sauvage le derviche qui tourne avec son idée fixe.

Un soir, comme ils rentraient pour dîner, le marquis leur dit tout à coup :

— Andermatt revient dans quatre jours, toutes les affaires sont arrangées. Nous autres, nous partirons le lendemain de son retour. Voici bien longtemps que nous sommes ici ; il ne faut pas trop prolonger les saisons d’eaux minérales.

Ils furent surpris comme si on leur eût annoncé la fin du monde ; et ils ne parlèrent ni l’un ni l’autre pendant le repas, tant ils songeaient avec étonnement à ce qui devait arriver. Donc ils se trouveraient séparés dans quelques jours et ne se verraient plus librement. Cela leur paraissait si impossible et si bizarre qu’ils ne le comprenaient pas.

Andermatt revint, en effet, à la fin de la semaine. Il avait télégraphié pour qu’on lui envoyât deux landaus au premier train. Christiane, qui n’avait point dormi, harcelée par une émotion étrange et nouvelle, une sorte de peur de son mari, une peur mêlée de