Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/233

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niquant avec la source. On laissa tomber le second dans un récipient de verre où s’écouleraient tout à l’heure les liquides rejetés par l’estomac du malade ; et M. l’inspecteur prenant d’une main tranquille le troisième bras de ce conduit, l’approcha, avec un air aimable, de la mâchoire de M. Riquier, le lui passa dans la bouche et, le dirigeant adroitement, le fit glisser dans la gorge, l’enfonçant de plus en plus avec le pouce et l’index, d’une façon gracieuse et bienveillante, en répétant : « Très bien, très bien, très bien ! Ça va, ça va, ça va, ça va parfaitement ».

M. Riquier, les yeux hagards, les joues violettes, l’écume aux lèvres, haletait, suffoquait, poussait des hoquets d’angoisse ; et, cramponné aux bras du fauteuil, faisait des efforts terribles pour rejeter cette bête de caoutchouc qui lui pénétrait dans le corps.

Lorsqu’il en eut avalé un demi-mètre environ le docteur dit :

— Nous sommes au fond. Ouvrez.

Le garçon alors ouvrit le robinet ; et bientôt le ventre du malade se gonfla visiblement, rempli peu à peu par l’eau tiède de la source.

— Toussez, disait le médecin, toussez, pour amorcer la descente.