Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/286

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Peu à peu ses larmes s’arrêtèrent et elle réfléchit.

C’était vrai pourtant que les manières de Gontran étaient changées. Elle l’avait senti jusqu’ici sans le comprendre. Elle le comprenait à présent. Il lui disait, à tout propos, des choses gentilles, délicates. Il lui avait baisé la main, une fois. Que voulait-il ? Elle lui plaisait, mais jusqu’à quel point ? Est-ce que, par hasard, il se pourrait qu’il l’épousât ? Et aussitôt il lui sembla entendre, dans l’air, quelque part, dans la nuit vide où commençaient à voltiger ses rêves, une voix qui criait : « Comtesse de Ravenel. »

L’émotion fut si forte qu’elle s’assit dans son lit ; puis elle chercha, avec ses pieds nus, ses pantoufles sous la chaise où elle avait jeté ses robes et elle alla ouvrir la fenêtre, sans savoir ce qu’elle faisait, pour donner de l’espace à ses espérances.

Elle entendit qu’on parlait dans la salle du bas, et la voix de Colosse s’éleva : « Laiche, laiche. Y sera temps de voir. Le païré arrangera cha. Y a pas de mal jusqu’ici. C’est le païré qui fera la chose. »

Elle voyait sur la maison d’en face le carré blanc de la fenêtre éclairée au-dessous d’elle. Elle se demandait : « Qui donc est là ? De quoi parlent-ils ? » Une ombre passa sur le mur