Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/288

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Et le noir de ses paupières fermées dans la nuit s’éclairait de visions. Elle voyait de beaux salons illuminés, de belles dames qui lui souriaient, de belles voitures qui l’attendaient devant le perron d’un château, et de grands domestiques en livrée inclinés sur son passage.

Elle avait chaud dans son lit ; son cœur battait ! Elle se releva une seconde fois pour boire un verre d’eau, et rester debout quelques instants, nu-pieds, sur le pavé froid de sa chambre.

Puis, un peu calmée, elle finit par s’endormir. Mais elle s’éveilla dès l’aurore, tant l’agitation de son esprit avait passé dans ses veines.

Elle eut honte de sa petite chambre aux murs blancs, peints à l’eau par le vitrier du pays, de ses pauvres rideaux d’indienne, et des deux chaises de paille qui ne quittaient jamais leur place aux deux coins de sa commode.

Elle se sentait paysanne, au milieu de ces meubles de rustres qui disaient son origine, elle se sentait humble, indigne de ce beau garçon moqueur dont la figure blonde et rieuse flottait devant ses yeux, s’effaçait puis revenait, s’emparait d’elle peu à peu, se logeait déjà dans son cœur.